Histoire

Rais Hamidou

Préambule
La Régence d’Alger, placée au centre des Etats barbaresques, avait conquis le premier rang par le nombre et la hardiesse de ses corsaires. On ne peut nier aux corsaires algériens une habileté et une grande aptitude pour la navigation, ni leur contester de la bravoure et de la hardiesse. L’histoire du raïs Hamidou n’est point la seule à en offrir la preuve, et parmi les corsaires algériens, il est assurément l’un des plus fameux.

Figure emblématique des corsaires algériens, Rais Hamidou est célébré en héros national en Algérie. Une statue en bronze, réalisée par l’artiste algérien Redha Chikh Bled, lui est dédiée à Alger. De nombreux lieux en Algérie portent son nom, ainsi qu’une corvette de la marine algérienne. Chaque année, les forces navales françaises et algériennes mènent en commun, en Méditerranée occidentale, un exercice baptisé « Raïs Hamidou ».

Sa biographie est tirée de deux documents écrits par Albert Devoulx et complétée par des éléments empruntés à deux autres auteurs :
-” Raïs Hamidou – Notice biographique sur le plus célèbre Corsaire algérien du XIIIe siècle de l’hégire (XIXe siècle), d’après des documents authentiques et pour la plupart inédits” – Albert Devoulx – 1859
 “Un exploit des Algériens en 1802” – Albert Devoulx – Revue Africaine N° 9 – 1865
– “Stephen Decatur : American naval hero, 1779-1820” – Robert J. Allison – 2007
– “Raïs Hamidou : Le dernier corsaire barbaresque d’Alger” – Paul Desprès – 2007

Pour la rédactiuon de la notice biographique, Albert Devoulx utilisera des archives algériennes et particulèrement un registre ouvert en 1765, pour la tenue des écritures relatives au partage des prises faites par les corsaires algériens.
Ce registre était confié à un agent du gouvernement, ayant le titre de “Khodjet el R’enaïm”, c’est-à-dire : “secrétaire des prises maritimes”. Ce document officiel, une sorte de “Livre des prises maritimes”, permet d’apprécier l’activité des corsaires sur une période de 65 ans, et renferme des détails curieux et intéressants à plus d’un titre.

Dans ce registre, d’autres raïs apparaisent aux côtés de Raïs Hamidou : Raïs Tchelbi, Raïs El Hadj Yacoub, Raïs Kara Danezli, Raïs Mohammed ou Ali, Raïs Kourd Ourli, Raïs Alouach, Ahmed Raïs, Raïs Hadj Soliman, Raïs Na’man, Raïs Mustapha, Raïs Ben Zerman, Raïs Hassan, Raïs Abbas, Raïs Hamdan, Raïs Lamiali Ahmed, Raïs Hossaïn, Raïs Essekandrini, Raïs Ali Rarnaout, Raïs Kara Youssef, Raïs Ali Tatar, Raïs Ouzoun Mohammed, Raïs Ahmed Ezzemirli, Raïs Mohammed el Harrar, Raïs Salah, Raïs El Hadj Ahmed, Raïs Kara Ibrahim.

Là encore, comme dans son étude sur la marine algérienne de la Régence, et indépendamment du sérieux de ses recherches, Albert Devoulx fait montre des préjugés de son époque (quoique, aujourd’hui encore…). Comme quand il affirme que les corsaires algériens n’auraient pas su naviguer loin de leurs bases sans l’aide de renégats chrétiens. Il ignorait sans doute que ce sont des pilotes arabes qui avaient ouvert la voie vers les Indes à Vasco de Gama en le guidant dans l’Océan Indien, ou bien encore que Christophe Colomb, pour sa traversée de l’Océan Atlantique, avait utilisé des instruments de navigation d’invention arabe.

De même quand on parle de voile “latine”, qui est en réalité une voile d’origine arabe. Il s’agit d’une voile triangulaire, appelée à l’origine “vela alla trina” (voile à trois pointes), par opposition à la voile carrée, dite “vela alla quadra”. Par corruption de langage, “vela alla trina” sera altérée en “vela latina”. Cette voile triangulaire a été inventée par les navigateurs arabes pour pouvoir naviguer contre le vent, ce qui était impossible à faire avec une voile carrée. Elle équipera les galères, les tartanes, les felouques, les chebecs, les boutres, et sera plus tard installée à l’arrière des vaisseaux à trois mâts.

Albert Devoulx, désigne les raïs algériens tantôt comme des corsaires et tantôt comme des pirates. Dévalorisant à chaque occasion les corsaires barbaresques et minimisant leurs faits d’armes. Il allait jusqu’à ironiser sur les rédacteurs des registres algériens, s’étonnant que les noms européens soient altérés par la transcription arabe. Il n’imaginait pas un seul instant que lui-même altérait les noms arabes qu’il transcrivait en français !

Cet auteur était sans doute un homme honnête, mais il était influencé par les idées reçues de son époque. Quand parfois il laissait échapper quelques lignes d’admiration, il ne pouvait s’empêcher d’en diminuer la portée par des commentaires négatifs qui tendent à minimiser les mérites des corsaires algériens. Pourtant, diriger des corvettes ou des frégates avec à bord 300 à 400 hommes, nécessite des compétences théoriques et une habilité pratique qui ne sont pas à la portée du premier venu. Sinon, comment auraient-ils pu se maintenir si longtemps en Méditerranée et braver les puissantes marines de l’époque ?

Chant sur le Raïs Hamidou (traduit de l’arabe) 
Raïs Hamidou a très tôt sa place dans la littérature populaire orale d’Alger, comme sans doute d’autres raïs avant lui. De Grammont signale combien la ferveur populaire s’allumait facilement pour ces aventuriers dont les prises faisaient vivre chacun directement ou indirectement.
Albert Devoulx a recueilli chansons et histoires à son sujet, et en mentionne quelques unes dans son ouvrage. Voici un chant algérien du XIXe siècle à la gloire du raïs Hamidou.

« L’éclair brille, la foudre gronde ; 
Pourtant l’azur des cieux n’est terni d’aucun nuage ; 
L’air est transparent, l’horizon limpide ;
La brise légère caresse la mer bleue, 
dont les molles ondulations miroitent au soleil en paillettes étincelantes.

Que tes yeux étonnés, voyageur, 
cessent de chercher le sombre nuage qui laisse échapper le tonnerre. 
Ce n’est pas au firmament que tu trouveras ce formidable orage, 
c’est sur la mer.

Vois-tu là-bas ? C’est la frégate du raïs Hamidou ! 
Sa majestueuse voilure, qui se gonfle légèrement sous l’effort de la brise, 
est dorée par le soleil. 
Son pavillon et sa flamme flottent noblement dans les airs. 
Elle fend les flots avec grâce.

De ses flancs redoutables jaillissent les boulets dévastateurs, 
les obus terribles, la mitraille meurtrière. 
La mousqueterie pétille sur ses bastingages et dans sa mâture, 
et une épaisse fumée lui forme une auréole de gloire !

Hamidou resplendit d’orgueil, son cœur est plein d’allégresse ! 
Il ramène une frégate portugaise et son triomphe est éclatant ! 
Les mécréants sont vaincus et asservis. 
Il se rend au palais du Sultan, traînant après lui les esclaves chrétiens et nègres.

Hamidou s’avance vers Tunis : 
il est le chef de la flotte, et ses canons tonnent. 
Le ministre du Bey observe avec sa longue-vue.
Il leur dit : Voici les Algériens ! 
Mais bientôt Hamidou a enlevé la frégate tunisienne 
et il rentre triomphant, tandis que l’ennemi s’empresse d’aller cacher sa honte !

Fuyez, mécréants, fuyez !
Hamidou parcourt les mers en maître. 
Les parages qu’il a sillonnés restent vides d’ennemis. 
Fuyez, infidèles ! 
Que vos navires de guerre se réfugient à la hâte dans leurs ports :
ils deviendraient la proie du champion de la guerre sainte ! »
Rais Hamidou est le plus célèbre capitaine corsaire de la flotte algérienne. Intrépide et compétent, il était admiré en Algérie et craint et respecté à l’extérieur. Il s’est rendu célèbre par de nombreux exploits et a même eu la gloire insigne de ramener triomphalement des navires de guerre.

Hamidou, fils d’Ali, était de taille moyenne mais bien prise, il était blond et avait le teint blanc et les yeux bleus ou gris-bleus. Conformément à la mode immémoriale des raïs, il se rasait toute la barbe et ne gardait que les moustaches, auxquelles, par compensation, il donnait toute liberté de croître.

Hamidou n’était ni Turc, ni “couloughli” (Algérien de père turc). Il appartenait à cette classe d’Arabes fixés dans les villes depuis plus ou moins longtemps, que les Européens appellent Maures. C’était, pour reprendre l’expression pittoresque des Algériens, « un enfant d’Alger ».

Hamidou était décrit comme étant hardi, courageux, généreux, beau parleur, élégant dans sa mise, et avenant avec tout le monde, les petits comme les grands, ce qui le faisait généralement aimer.

Selon Albert Devoulx, Hamidou était prompt à la répartie et légèrement hâbleur et fanfaron, lui reconnaissant ce droit, puisque ses actions ne démentaient jamais ses bravades. Peut-être l’a-t-il été dans sa jeunesse, mais tout le monde ne le voyait pas ainsi.
En 1810, Raïs Hamidou avait refusé de se glorifier après la prise de 2 frégates tunisiennes, estimant que ce mérite était à partager avec son escadre. Un contemporain de Hamidou, James Kirke Paulding, secrétaire de l’U.S. Navy, fustigeant l’arrogance des commandants britanniques, donnait en modèle la modestie du Raïs Hamidou, et souhaitait que les autres nations suivent l’exemple de l’amiral arabe. Paulding était loin d’imaginer que cela s’appliquerait à un officier américain, l’amiral Decatur comme nous le verrons plus loin sur cette page. 
Quant au poète italien Filippo Pananti qui avait été prisonnier du raïs Hamidou, il rappellera, plus tard, la courtoisie et l’hospitalité de l’amiral algérien.

Hamidou faisait preuve d’un grand sens de l’organisation. Tout d’abord il exigea une discipline de fer dans son équipage : ses ordres devaient être exécutés avec la plus extrême précision et surtout avec rapidité. Son chebek fin, élancé était rapide sous le vent mais aussi par calme plat grâce à 20 rameurs choisis pour leur puissance. Le navire était manœuvrier et le koptan savait dérouter l’adversaire en changeant brusquement de cap ; ce qui réclamait une grande rapidité dans les changements de voilure. Il était très rusé et savait dérouter ses adversaires et les approcher de nuit sans se faire repérer.

Contrairement à la majorité de ces corsaires redoutés pour leur brutalité impitoyable, leurs goûts sanguinaires, leur cruauté, Hamidou était juste avec ses marins et ne les punissait qu’à bon escient. Il savait aussi ménager la chiourme, connaissait chacun de ces esclaves, était capable de les encourager, voire même de les récompenser. Deux d’entre eux auxquels il avait offert la liberté pour leur courage et leur excellente conduite avaient accepté de se convertir et faisaient désormais partie de l’équipage.
Cette réputation de justice et de sérieux, mais surtout la finesse et l’audace de ses manœuvres pour s’emparer des navires pris en chasse étaient régulièrement rapportées au dey qui ne pouvait que se féliciter du choix de ce jeune « koptan ».

L’entretien du navire qu’on lui avait confié occupait aussi une grosse partie de son temps. Au retour de chaque course un peu longue, il faisait mettre son chebek en cale sèche.
Avec le jeune raïs, rien n’était laissé au hasard et il ne tolérait pas la moindre négligence. Il expliquait que tout devait être parfaitement au point avant de prendre la mer, et il veillait à ce que l’entretien du navire soit fait avec soin car c’était la condition nécessaire pour maintenir la fiabilité et la rapidité du chebec.

La jeunesse de Hamidou Ben Ali
Hamidou naquit vers 1770 à Alger. Son père, Ali, était un artisan tailleur de bonne réputation qui destinait son fils à lui succéder. Ce père tendre et prévoyant prit son fils en apprentissage vers l’âge de dix ou onze ans.
Mais la vocation du jeune Hamidou était ailleurs. S’il faut croire ce qu’en racontaient les vieux Algériens, bien des fois notre apprenti s’absenta de l’atelier pour aller recueillir de la bouche de quelque corsaire arrivant d’une périlleuse expédition, la relation des dangers affrontés par lui.
Bientôt, enivré par ces récits, et brûlant du désir de marcher sur les traces de ceux que sa jeune et déjà vigoureuse imagination lui représentait comme des héros, Hamidou jeta résolument aux orties les patrons du tailleur, et s’embarqua comme mousse à bord de l’un des corsaires de sa guerroyante patrie.

Les débuts de Raïs Hamidou
L’enfant ne s’était pas trompé sur sa vocation, et jamais il ne regretta d’avoir renoncé à coudre pour en découdre. Il était réellement brave et hardi et avait de l’intelligence ; aussi fit-il son chemin, gravissant les échelons pour passer de  mousse à capitaine. Malgré sa valeur précoce et son génie du métier, ce ne fut point sur un navire d’Alger que le jeune raïs exerça son premier commandement. C’est le bey d’Oran qui eut l’honneur et la gloire d’apprécier le premier son mérite, de pressentir l’avenir glorieux qui lui était réservé.

Le bey Mohammed avait délivré définitivement la ville d’Oran de l’occupation espagnole en 1790 grâce à une préparation minutieuse et l’emploi d’une forte artillerie. Les Espagnols contraints à la négociation durent évacuer la ville en 4 mois. Le bey sera reçu en grande pompe par le dey d’Alger.

— Oran au XIXe siècle —

Le bey d’Oran confia au raïs Hamidou d’abord un de ses chebecs, et, pour le récompenser de ses succès, il lui confiera ensuite le commandement en chef de ses forces navales, lesquelles se composaient de trois chebecs et d’autant de balancelles.
Un jour qu’une division oranaise, forte de trois chebecs, et placée sous le commandement de Hamidou, croisait dans les eaux des Baléares, elle fit la rencontre de deux polacres de guerre génoises. La partie était inégale et la disproportion des forces semblait rendre facile une victoire des vaisseaux de guerre génois ; mais loin de chercher un salut incertain dans la fuite, Hamidou, par des manœuvres habiles et hardies, sut inquiéter suffisamment les navires ennemis pour qu’ils s’éloignent piteusement sans combattre.
Cette affaire fit grand bruit dans l’Ouest de l’Algérie, et l’on en parla même à Alger, où abondaient des raïs hardis et entreprenants.

— Alger au XIXe siècle —

Raïs Hamidou corsaire de la Régence 
Or, en ce temps-là, régnait à Alger le Pacha Hassan, fils de Hossaïn.
C’est le pacha Hassan, qui a fait construire la belle maison qu’occupera plus tard le Gouverneur Général, ainsi qu’une jolie mosquée qui sera démolie par les Français pour la construction de la cathédrale. C’est également lui qui a créé le jardin qui sera converti en hôpital militaire (jardin du Dey).
Ce vassal insoumis de la Sublime-Porte, avait lui-même été membre de la Taïffa, l’assemblée puissante des raïs d’Alger et, avant de parvenir à la toute puissance, avait rempli les fonctions d’ « Oukil el hardj » (ministre de la Marine). Il appréciait fort les gens de courage et portait toute sa sollicitude sur sa marine. Il s’empressa donc de mander auprès de lui le jeune raïs dont la réputation se répandait jusque dans la capitale.
Le pacha Hassan a été élu en 1205 de l’Hégire (1790) et est mort en 1212 (1797 – autre source : mai 1798). C’était donc entre 1790 à 1795 que le jeune Hamidou fut, sur le bruit de son habileté, mandé à Alger par le Dey. Après de publiques et flatteuses félicitations, le pacha lui confia le commandement d’un beau chebec armé de 12 canons et monté par une soixantaine d’hommes.

— Chebek (chebec) —

Le jeune raïs, réalisant l’espoir qu’on avait placé en lui, fit dans ses premiers voyages des captures très fructueuses ; mais un incident des plus malheureux faillit briser à jamais une carrière si glorieuse pour la marine algérienne.
A une date imprécise, probablement pendant l’hiver 1795 ou 96, il faillit tout perdre. Au retour d’une expédition vers l’Italie le mauvais temps l’obligea à se réfugier dans le port d’El-Qala (La Calle) dont le mouillage n’était pas des meilleurs. Malgré les précautions prises au mouillage, la violence de la tempête fit céder ses ancres et les câbles qu’il avait tendus vers le port. Le chebek, assailli par des lames monstrueuses, fut emporté par l’ouragan et brisé sur les rochers du rivage. L’équipage réussit à s’en sortir sans le moindre dommage. La perte d’un navire confié à un raïs était le plus souvent très sévèrement punie et le jeune Hamidou, bien qu’il ne se sentît pas véritablement coupable de la perte de son chebek, chercha dans un premier temps à échapper à la justice du dey. Il se réfugia à Tunis puis à Constantine où il séjourna quelques temps.

— Qacentina (Constantine) au XIXe siècle —

Mais le bey de Constantine, qui sans doute en avait référé à son gouvernement, lui signifia qu’il avait reçu l’ordre du “Wakil el Hardj” de l’expédier à Alger. C’est donc sous bonne escorte que Hamidou prend la route pour Alger, accompagné d’un délégué du bey de Constantine, du “bach siar” (chef des courriers) et d’un détachement de cavaliers.
Reçu par un dey fort en colère, mais grâce à une bonne argumentation et grâce à son excellente réputation, le raïs réussit à apaiser le Pacha et à se faire pardonner.

Le jeune koptan reçut alors le commandement d’un autre chebek et fit quelques belles prises avec son nouveau navire qui ne figurent pas sur les documents officiels. Quoi qu’il en soit, le pacha saisit bientôt une occasion qui s’offrait à lui pour confier à notre raïs un commandement plus digne de l’audace et de l’habileté dont il avait déjà donné bien des preuves.
En 1797, une corvette du dey d’Alger revint au port sans arborer son pavillon ni saluer à coups de canon l’antique mosquée de Sidi Abd El-Rahman, patron de la blanche ville d’Alger. Ceci signifiait la perte de son capitaine. En fait, ce dernier, ayant de nombreux méfaits et de grosses fautes de navigation à se faire pardonner, avait préféré déserter et alla se réfugier au Maroc. Le pacha désirant récompenser le raïs Hamidou de ses récents succès, le nomma au commandement de ce navire qui était alors le plus gros de la flotte algérienne.

C’est en 1797 et avec ce navire, que le raïs Hamidou paraît pour la première fois sur le Livre des prises, et l’article qui le concerne est ainsi conçu :
« La corvette de Notre Seigneur le pacha, commandée par le raïs Hamidou, a capturé un navire génois, ayant un chargement de potasse. 22 moharrem 1212 (lundi, 17 juillet 1797). »
D’après ce registre, le produit brut de la prise fut de 10.000 francs.
Mais, pour apprécier convenablement la portée des pertes éprouvées par le commerce européen, il faut remarquer que les navires capturés étaient réservés à l’Etat et ne figuraient pas dans le partage. Il faut aussi tenir compte de la dépréciation considérable qu’une vente aux enchères effectuée à Alger dans de semblables conditions, devait faire subir à des marchandises qui y étaient amenées sans aucun à propos pour les besoins de la consommation locale. Devoulx pense donc que les chiffres accusés sont loin de représenter la véritable valeur des prises effectuées par les corsaires algériens.

Après cet exploit, le premier qui ait été constaté officiellement, et dont les Génois payèrent les frais, le raïs poursuivit le cours de ses succès, mettant à contribution Napolitains, Espagnols, Portugais, Génois, Suédois, Américains, Hollandais…

— Alger au XIXe siècle —

Les exploits de Raïs Hamidou
Raïs Hamidou, à bord d’une corvette, effectuera ses prises, seul ou associés à d’autres corsaires. Il s’attaquera indifféremment aux navires de commerce et aux navires de guerre qu’il ramena triomphalement à Alger. 
1797 – A cette époque, il y avait eu un changement, de pacha. Hassan, mort, par extraordinaire, de maladie, en rebi 1er 1212 (septembre 1797), avait été remplacé par Mustapha, kheznadji (trésorier de la Régence). Mustapha Pacha sera assassiné en 1220 (1805), après un règne de huit ans, et remplacé par Ahmed Pacha.
L’avènement de Mustapha Pacha en 1797 n’apporta aucune modification à la position de Hamidou, et celui-ci conserva le commandement de la corvette qui lui avait été confiée par Hassan Pacha. C’est avec ce navire que le raïs continue à figurer dans le Registre des prises, en 1798.

En 1798, les relations s’envenimèrent entre la Régence et la France, à cause des dettes que cette dernière, comme à son habitude, faisait traîner (redevances que la Compagnie d’Afrique devait à la Régence). Cela entraîna inévitablement des tensions entre les deux pays, comme cela se reproduira plus tard pour d’autres dettes (voir les raisons de l’invasion de l’Algérie par la France en 1830).
Mustapha Pacha, le 10 décembre 1798, fit des saisies dans les comptoirs de la Compagnie d’Afrique, et fit jeter en prison le consul français.
Raïs Hamidou capture 2 vaisseaux de guerre français et prendra la base militaire française de la Calle (El-Qala), sur les côtes algériennes.
Un officier français fut molesté dans la rade de Tunis par un officier algérien, et un navire napolitain fut capturé dans les eaux des îles d’Hyères.

Toujours d’après le Livre des prises, le 4 redjeb 1213 (mercredi, 12 décembre 1798), un navire grec sera capturé par des corsaires algériens dont le raïs Hamidou. A cette époque, la Grèce était encore une province ottomane. Il peut donc sembler étrange que les Algériens, vassaux eux-mêmes de la Porte, aient osé faire la course aux dépens des sujets de leur souverain.
Le fait est certain cependant, et il est avéré que les Algériens ne se gênaient nullement pour porter la main sur des navires appartenant à des sujets ou à des tributaires de la Turquie.
Les archives fournissent des dépêches dans lesquelles la Sublime-Porte adressait, à ce sujet, de sévères remontrances au dey d’Alger et aux capitaines de sa marine, les menaçant de les traiter en ennemis s’ils persistaient dans cette voie.
Ces actes de flagrante insoumission se multiplièrent sous l’administration de Hadj Ali Pacha, et prirent le caractère d’une véritable agression.
La Porte Ottomane, justement indignée de ces procédés, confisqua un fondouk que la Régence d’Alger avait fait bâtir à Smyrne pour servir de caserne de dépôt à ses recrues, retira toute créance aux agents de cette Régence, donna l’ordre à sa flotte de courir sus aux bâtiments algériens et prépara une expédition contre Alger.
Mais, avant la complète exécution de ces ordres et le 11 rebi 2e 1230, El Hadj Ali Pacha fut égorgé dans les bains de ses appartements, remplacé par El Hadj Mohammed, trésorier, qui sera lui-même assassiné 17 jours après, et aura pour successeur Omar Pacha.
En arrivant au pouvoir, celui-ci s’empressa d’expédier un envoyé à Constantinople pour fléchir le courroux souverain, et la Sublime-Porte, heureuse peut-être d’accueillir ces protestations de fidélité et de dévouement, pardonna le passé à la condition que l’avenir serait irréprochable.

— Corvette —

La corvette que montait le raïs Hamidou avait 36 canons en batterie.
Ce fort navire ayant fait des avaries qui exigeaient de longues réparations, Hamidou débarqua et fut placé sur une polacre, avec laquelle il fit quelques prises. Mais ce n’était que provisoirement et en attendant mieux. On lui destinait une belle frégate qu’un charpentier espagnol, nommé maestro Antonio, construisait à Alger. Le raïs en prit le commandement dès qu’elle fut achevée.
Cette belle frégate, armée de 44 canons, était excellente à la mer et seulement un peu rouleuse. Ce fut toujours le navire de prédilection du raïs, il ne voulut jamais l’échanger contre aucun autre. C’est aussi avec ce bâtiment qu’il se rendit célèbre par des exploits qui vont bientôt trouver leur place.
Quant à maestro Antonio, il partit d’Alger comblé de récompenses, après avoir construit la frégate de Hamidou et une autre grande frégate dont le raïs Ali Tatar fut le premier commandant.

C’est sur sa frégate que nous retrouvons le raïs Hamidou dans le Registre des prises, le 16 ramadan 1216 (mercredi, 20 janvier 1802).

— Frégate —

Raïs Hamidou souhaitait s’emparer d’un navire de guerre et bientôt, le succès couronnant son audace, il ramène à Alger une frégate portugaise de 44 canons. Or, voici la mention consignée à ce sujet dans le Registre des prises :
« La frégate de notre seigneur le raïs Hamidou a pris un navire de guerre portugais, armé de 44 canons, sur lequel ont été faits prisonniers 282 mécréants. Deux de ces infidèles ont été donnés au premier matelot qui était monté à l’abordage et notre seigneur le Pacha a sanctionné ce don. Un autre mécréant a été donné à Sidi Abderrahman (marabout célèbre dont le tombeau est situé près de la porte de Bab-el-Oued, à Alger), et, après ces donations, il restait 279 infidèles. Le pacha a envoyé le prix de cette capture en doublons, et, aussitôt que cette somme est arrivée à la Marine, elle a été distribuée à l’équipage. 25 moharrem 1217 (vendredi, 28 mai 1802). »
Ici il n’y eut pas vente des marchandises capturées, car une frégate ne porte, en fait de marchandises, que des boulets et de la poudre, et ces munitions de guerre étaient acquises à l’Etat. Cependant, il eût été de la plus criante et de la plus impolitique injustice qu’une si belle capture fût improductive pour les vainqueurs.
Aussi le pacha, autant pour récompenser cette action d’éclat que pour prévenir des murmures bien légitimes, envoya à l’équipage de la frégate du raïs Hamidou, une gratification destinée à être partagée suivant les us et coutumes adoptés pour la liquidation des prises maritimes.
D’après le livre des prises, cette somme fut de 103.590 francs.

Cette capture fit grande sensation à Alger, comme de raison, et Albert Devoulx a pu recueillir quelques renseignements verbaux, transmis par tradition. En voici le récit.
Le raïs Hamidou appareilla et prit le large en même temps que la frégate El Merikaniya (l’Américaine), commandée par le raïs Ahmed Ezzemirli, le même qui plus tard devint trésorier ; mais les deux navires ne tardèrent pas à se séparer, chacun allant de son côté chercher fortune.
Après quelques jours de croisière, le raïs Hamidou fit la rencontre d’une frégate portugaise, et conçut le projet audacieux de s’en emparer.
Pour exécuter son téméraire dessein, il employa la ruse et hissa les couleurs anglaises pour se rapprocher.
La portugaise accepta sans méfiance cette métamorphose, ce qui, soit dit en passant, dénotait chez elle soit une grande négligence, soit une faible perspicacité, ou faisait le plus grand éloge de la tenue de la frégate algérienne, et laissa tranquillement celle-ci entrer dans ses eaux, croyant sans doute qu’elle avait quelque communication à lui faire.
Quand il ne fut plus possible de garder le moindre doute sur les intentions suspectes de la fausse anglaise, il était trop tard, et la portugaise ne put éviter l’abordage.
Les deux navires étant accrochés l’un à l’autre, les Algériens sautèrent à bord du navire portugais, malgré les filets d’abordage dont il était garni. L’équipage algérien, préparé au combat, électrisé par l’espoir d’une victoire sans précédents dans les fastes algériennes, eut bientôt raison de la résistance des Portugais.
A l’issue de cette éclatante victoire, le raïs Hamidou prenait possession de sa magnifique capture, lorsque sa conserve arriva sur le théâtre de l’événement. Le raïs Ahmed, n’ayant pu prendre part au combat, voulut du moins avoir le plaisir d’en porter la nouvelle, et il fit immédiatement route pour Alger, où la frégate El Merikaniya arriva en vue, tirant des deux bords et faisant un tel tapage que toute la ville fut aussitôt en rumeur.

Quand, à son tour, Hamidou arriva à Alger, avec sa prise, il fut comblé d’honneurs et reçu avec acclamation. L’enthousiasme était à son comble dans la bonne ville d’Alger.
Mustapha Pacha reçut le vainqueur en audience solennelle, le complimenta publiquement, et lui donna des vêtements et un yatagan d’honneur.
Telle est, à peu près, la version verbale qui a été donnée sur cet événement. Quoiqu’il en soit des détails, le fait est certain et établi par des documents officiels et authentiques.

— Frégate portugaise —

La frégate capturée reçut un équipage algérien et se mit à croiser sous le nom d’El Portekiza, la Portugaise. Elle fera un nombre raisonnable de prises et son nom figure avec avantage dans plusieurs documents. Cette frégate sera détruite lors de l’attaque contre Alger en 1816.

La frégate portugaise n’est pas le seul navire de guerre que les Algériens aient su prendre comme nous avons pu le voir en page sur la marine algérienne de la régence. (La marine corsaire de la Régence d’Alger).

L’année 1805 fut signalée par un changement de pacha. A Mustapha, massacré par sa milice, succéda Ahmed Pacha, qui devait avoir le même sort trois ans plus tard.
L’avènement d’Ahmed Pacha n’apporta aucune modification dans la position du raïs Hamidou, et celui-ci continue à figurer dans le Registre des prises.

En 1807, le raïs Hamidou fut envoyé en mission à Smyrne, et ce voyage était un temps d’arrêt très préjudiciable à ses intérêts, mais notre raïs était homme de ressources et ne resta pas inactif, ainsi qu’on peut en juger par deux articles du Registre des prises. Il profita de son voyage pour effectuer des captures, dont une en revenant de Smyrne, de conserve avec l’oukil El Hardj du palais, Kara Ahmed Bey, qui montait sa polacre, avec laquelle il s’était rendu à Constantinople.

De retour de son voyage à Smyrne, notre raïs reprit le cours régulier de ses croisières, et le Registre des prises enregistra des captures en 1807 et 1808.

A partir de cette époque, et pendant près de deux années (1909-1910), le nom de Hamidou cesse de figurer sur le Registre des prises. Cette lacune demande quelques explications.

Nous avons vu que Hamidou avait été confirmé dans son commandement par Ahmed Pacha ; mais bientôt une nouvelle révolte des janissaires vint encore ensanglanter le palais.
Ce pacha, ombrageux à l’excès et voyant partout des complots contre son autorité, s’était rendu odieux par de nombreuses exécutions, et l’on prétend que plus de 900 Turcs payèrent de leur vie le peu de foi qu’il avait en la stabilité de son pouvoir. Un régime aussi sanguinaire ne pouvait être de longue durée, et la milice, se soulevant contre ce cruel despotisme, assassina Ahmed Pacha. Il sera remplacé par le pacha Aly. D’ailleurs les janissaires n’avaient pas gagné beaucoup au change : le nouveau pacha ne valait guère mieux que le précédent. Aussi, quatre mois après son élection, subit-il le même sort que son prédécesseur.
L’un des premiers actes du nouveau dey, fut d’exiler Hamidou dont la célébrité l’offusquait sans doute, bien qu’il n’eût pas à le redouter comme compétiteur au pouvoir, puisque le raïs n’était pas Turc.
Hamidou fut donc envoyé en exil à Beyrouth ; mais le Hadj Ali Pacha, trésorier de la Régence, arrivé au pouvoir le 24 moharrem 1224 (samedi, 11 mars 1809), s’empressa de rappeler auprès de lui le célèbre raïs dont les exploits avaient donné un éclat incomparable à la marine algérienne.

De retour à Alger, Hamidou reprit le commandement de sa frégate et le pacha lui confia une division de 4 navires, en l’autorisant à aller en croisière dans l’Océan.
Hamidou appareilla et prit la mer avec sa division, laquelle était ainsi composée :
– Une frégate de 44 canons, commandée par le raïs Hamidou ;
– Une frégate de 44 canons, commandée par le raïs Ali Rarnaout ;
– La frégate Portugaise, portant 44 canons, et commandée par le raïs Ahmed Zmirli ;
– Un brick de 20 canons, commandé par le raïs Mustapha le Maltais.
Arrivé au détroit de Gibraltar, Hamidou profita de la nuit et d’une bonne brise d’Est pour le franchir sans être remarqué par des yeux indiscrets.
Dans l’Océan, la division algérienne fit bonne contenance, et captura trois navires portugais dont le dernier était un magnifique brick venant de la Havane avec un chargement de tabac, et qui, plus tard, fut transformé en navire corsaire algérien.

Après ces exploits, Hamidou se prépara à repasser le détroit, satisfait du résultat de cette croisière. Il avait expédié à Alger deux de ses prises, la troisième était restée près de lui.
La division algérienne se présenta à l’embouchure du détroit au point du jour, avec une petite brise du nord. Après avoir embouqué, elle signala aux lueurs du jour naissant, une forte voilure à petite distance, au vent, et, plus loin, deux ou trois autres gros navires.
Examen fait, il fut reconnu que les navires algériens avaient devant eux, leur barrant le passage, un vaisseau portugais et trois frégates de la même nation. Hamidou prenant promptement et résolument son parti, donna ses ordres. Les trois frégates algériennes resserrèrent leur ligne de marche, et, toutes voiles en haut, elles s’avancèrent hardiment vers le vaisseau ennemi, beaupré sur poupe.
En indiquant cette manœuvre, Hamidou avait ajouté : « Si le vaisseau attaque, abordons-le tous à la fois ».
Quant à la prise, elle filait sournoisement vers Gibraltar.
Mais, lorsque les frégates furent sur le point de croiser le vaisseau, celui-ci vira et prit un autre bord. Alors, Hamidou fut sublime de bravade. Il fit mettre en panne.
Un agent que la Régence avait à Gibraltar, raconta plus tard, que la foule nombreuse qui assistait de loin à ce spectacle naval éclata en applaudissements à cette héroïque manœuvre.
Puis, lorsqu’il eut suffisamment constaté qu’il ne fuyait pas, le raïs fit remettre en route, toujours beaupré sur poupe. La brise était faible, et la journée se passa, de part et d’autre, en manœuvres qui eurent pour résultat de faire gagner du chemin à la flotte algérienne.
A la faveur de la nuit et d’une brise plus fraîche, celle-ci s’éloigna complètement de ses adversaires, et bientôt regagna Alger, où le récit de son expédition fit grand bruit.

Frégate portugaise

— Frégate portugaise —

Hamidou ne tarda pas à rendre de nouveaux services à l’occasion d’une guerre qui éclata entre la Régence d’Alger et celle de Tunis.
Voici ce qu’on trouve à ce sujet dans le Registre des Prises :
« Le 11 ramadan 1225 (10 octobre 1810), le raïs Hamidou a capturé des marchandises tunisiennes, d’une valeur de 91.385 francs 40 centimes. »

« En djoumada 1er de l’année 1226 (du 24 mai au 22 juin 1811), 6 navires de guerre commandés par le raïs Hamidou, etc., ont capturé sur un navire anglais des marchandises tunisiennes ayant une valeur de 53.874 francs 60 centimes.»

Cette année-là Hamidou s’illustra par la prise d’une nouvelle frégate, mais cette fois-ci elle était tunisienne. Le combat fut rude et dura 6 heures, d’après la relation suivante empruntée au “Tachrifat” :
« Le 28 rebi 2e de l’année 1226 (mercredi, 22 mai 1811), le raïs Hamidou a capturé, avec sa frégate, une frégate tunisienne et l’a amenée à Alger, après un combat brillant.
La flotte algérienne se composait de 6 navires de guerre et de 4 canonnières ; et la flotte tunisienne de 12 navires de guerre. Mais l’action a eu lieu seulement entre la frégate du raïs Hamidou et la frégate tunisienne dont il est question. L’engagement a duré six heures et n’a cessé que bien après le coucher du soleil.
Notre frégate a eu 41 hommes de tués et la frégate tunisienne 230. Que Dieu ait pitié d’eux et de nous, car nous sommes tous musulmans, et qu’il favorise notre avenir Amen ! »

Il paraît, d’après des renseignements verbaux, que le commandant de la division tunisienne se trouvait sur la frégate vaincue, et que cet engagement fut le résultat d’un défi, d’un combat singulier qui avait pour témoins les deux escadres. Ceci prouve une fois de plus que les deux Régences ne vivaient pas toujours en parfaite harmonie.
Après la défaite de son chef, l’escadre tunisienne, poursuivie par la flotte algérienne, prit la fuite et rentra honteusement à Tunis, où les capitaines furent destitués et accablés d’injures.
Quant à l’escadre algérienne, sa rentrée fut comblée d’honneurs, et donna lieu à des réjouissances publiques. Pour la seconde fois, Hamidou ramenait une frégate vaincue Le héros algérien reçut donc une ovation populaire ; le Pacha le complimenta en audience publique, et, pour témoigner sa satisfaction, il daigna orner le turban du raïs victorieux, d’une rose que tenait sa royale main.
La frégate tunisienne fut gardée par les Algériens et l’on retrouve son nom dans plusieurs documents.

Après ce brillant fait d’armes Raïs Hamidou enregistrera encore d’autres succès de 1812 à 1815. Le raïs mourra le 16 juin 1815 dans un combat inégal face à une escadre américaine.

La mort de Raïs Hamidou
En juin 1815, Raïs Hamidou allait trouver la mort sur cette mer qu’il parcourait depuis si longtemps, mais cette mort fut glorieuse et digne d’un brave. Il expira sur son banc de commandement, calme et intrépide, sous le feu d’une division américaine, qui l’avait surpris et enveloppé, et à laquelle il tenait honorablement tête, malgré une disproportion de forces qui ne laissait aucune chance au corsaire algérien qui faisait face à une escadre de 10 vaisseaux.

La rupture du traité signé entre Alger et les USA, amena une escadre américaine dans la Méditerranée en 1815, et un document algérien rapporte ainsi le résultat de cette expédition :
« Huit navires de guerre américains ont rencontré une frégate et un brick algériens et s’en sont emparés. Ils sont ensuite venus à Alger, et lorsque la nouvelle de cet événement s’est répandue, la paix a été conclue. 22 redjeb 1230 (vendredi, 30 juin 1815). »
Le document algérien fait état de 8 navires, mais l’escadre américaine en comptait 10. Un des vaisseaux américains, le “Macedonian”, avait escorté les navires algériens jusqu’à Carthagène en Espagne, et il est probable qu’un autre navire soit resté au large d’Alger.

D’après Devoulx, les Algériens s’étaient laissés surprendre et l’arrivée inopinée d’une escadre américaine, alors que tous leurs croiseurs étaient en course, compromettait singulièrement leur marine. Les Américains arrivaient dans un moment propice ; la marine algérienne, disséminée dans la Méditerranée, se trouvait à leur merci.
Prévenus de cette agression, les Algériens l’auraient incontestablement accueillie d’une toute autre manière. Leur marine se composait alors de plus de 20 gros navires dont 5 frégates et plusieurs corvettes ; réunie sous la protection de ses forts, elle aurait pu braver les Américains.
La division légère du commandant Decatur n’aurait pu en effet réduire les fortifications d’Alger par une attaque de vive force, car, pour obtenir ce résultat l’année suivante, lord Exmouth, qui pourtant avait surpris une position favorable, n’a pas eu trop de 5 vaisseaux, dont 2 à 3 ponts et 3 de 80 canons, de 6 frégates de 44, de 5 corvettes, de 5 bombardes et de 6 frégates ou corvettes hollandaises.
Sans chercher à amoindrir le mérite de la marine américaine, on est donc fondé à supposer que, si les Algériens eussent eu vent de cette expédition, les événements auraient pris une autre tournure.
Quoiqu’il en soit, la frégate que mentionne le document algérien reproduit ci-dessus, était celle du raïs Hamidou.

Un combat naval inégal, seul contre une escadre
Les documents américains donnent à la frégate du raïs Hamidou le nom de “Meshouda” (une transcription sans doute de “Messaoûda”).
Le 16 juin 1815, non loin du Cap de Gata, l’escadre de Decatur, qui comptait 10 navires, avait hissé le pavillon britannique pour pouvoir approcher le navire du Raïs Hamidou, le “Meshouda”. Quand il réalisa que c’était une escadre américaine, Hamidou, qui s’était laissé approcher sans méfiance par les navires “Constellation” et “Epervier”, manœuvra et une lutte des plus inégales s’engagea. Les américains tirèrent deux bordées, dont la première tua Raïs Hamidou à son poste de combat.

Après la mort de leur commandant, les Algériens continuèrent le combat. Les marins se précipitèrent pour préserver la cale, et de leurs postes les fusiliers-marins algériens continuaient de tirer, luttant bravement, quand un coup de canon déchiqueta les voiles et les gréements qui s’abattirent sur le pont. La frégate algérienne, démâtée, criblée de boulets, désemparée, ne fut bientôt plus qu’une ruine. Les frégates américaines passaient successivement devant elle, et chacune d’elle lui lâchait sa bordée.
Le navire algérien était défait, et c’est alors, au grand étonnement de ses commandants, que Decatur, qui était à bord du “Guerriere”, leur demanda par signaux de s’éloigner, ce qui lui permit de s’approcher du “Meshouda”, et tira à son tour deux bordées sur la frégate en perdition. Au premier tir, un canon explosa tuant 5 Américains et en blessant 30 autres. Cependant les fusiliers-marins algériens, qui n’avait pas cessé de combattre, atteignirent 5 Américains.
Decatur, qui était détesté par les officiers de son escadre, avait fait cette manœuvre pour leur voler la victoire.
De son côté le “Constellation” tira une bordée à la poupe de la frégate algérienne. Finalement, le combat étant devenu désespéré, les marins algériens amenèrent leur pavillon. Le feu cessa.

Des embarcations vinrent prendre possession du navire vaincu. En montant à bord, le chef du détachement demanda le commandant, mais les Algériens étaient en train de jeter à la mer leurs amis morts au combat ; conformément aux instructions du raïs Hamidou qui avait demandé que son corps ne tombasse pas entre les mains de l’ennemi.
Telle fut la fin héroïque de Hamidou.

Deux jours plus tard, au large du Cap de Palos, l’escadre américaine capturera un autre navire algérien isolé, un brick de 22 canons, l’Estedio, puis se dirigera vers Alger pour renégocier le traité entre la Régence et les USA.acceil